LA CONSANGUINITÉ À L’ÉLEVAGE DU GRAND VALY

 

Pour parler de la consanguinité de façon objective, je pense qu’il faut l’avoir pratiquée depuis de nombreuses années au sein d’un élevage, pour ensuite en tirer les conséquences qui s’imposent.

Au Grand Valy, j’ai usé de cette méthode pour deux raisons majeures. La première est que j’ai voulu fixer un type donné de setters, possédant des qualités morphologiques parfaitement adaptées à leurs aptitudes sur le terrain. La deuxième raison est malheureusement à l’époque du début de cette sélection, le manque notoire de lignées fixées et compétitives, nécessaires pour échafauder les bases d’un élevage sérieux de travail.

J’ai bien sûr profité de la sélection menée en « line breeding » par les élevages Crafnant et Invercassley, pour bâtir les pierres angulaires de l’élevage du Grand Valy, à partir des sujets directement issus de l’élevage de Lage de Brana, comme Phébus et Polo de Lage de Brana, ainsi que Canaille du Champ Noir en Feu, fille de Voyou et de Raid de Lage de Brana, sur lesquels j’ai travaillé en « inbreeding ».

Quelques sujets sont venus amener une « retrempe » de sang nouveau, tout en restant en line breeding, comme Black Grouse et Lusca Lovely Girl.

L’aboutissement, si toutefois il peut en exister un en élevage, est Nérac du Grand Valy, issu en parfait « in an in » avec le mariage du frère et de la sœur Ike et Indian Tonic du Grand Valy. Nérac a prouvé sur le terrain, par tous ces titres de champion, mais également en reproduction en produisant plusieurs champions de travail et de conformité au standard qu’il fixait parfaitement son type et ses qualités, en empreignant de façon très marquée sa production, ce avec des lices très éloignées génétiquement de son courant de sang.

Pour les amateurs de ce type de recherches, je conseille la lecture détaillée du pédigree de Nérac, figurant sur ce site, afin de bien visualiser la description de la pratique de la consanguinité, telle qu’elle est décrite dans les paragraphes qui suivent.

 

LA CONSANGUINITÉ 

La consanguinité, le mot “tabou” est lâché. Il est pourtant très important de démystifier aux yeux de l’utilisateur de base, du commun des éleveurs et souvent des professionnels, le côté “interdit” d’une telle pratique. Toutes les races pures ont été créées sur ce principe, continuent à se multiplier et surtout à se sélectionner de la sorte. Le plus grand avantage de cette méthode est de fixer les qualités de base des géniteurs de la lignée concernée, par contre à l’inverse, son plus grand désavantage s’il en est un, est de fixer au même titre les défauts, ce qui permet bien sûr de les éliminer. Cette analyse énoncée de façon simpliste, cache évidemment un travail très important et de longue haleine, malgré un système de sélection certainement le plus juste et le plus rapide connu actuellement.  

LA CRITIQUE SYSTÉMATIQUE NE PEUT ÊTRE CONSTRUCTIVE

Avant d’énoncer pour les curieux et de réitérer pour les plus incrédules, les fondements même de cette méthode, je tiens à signifier un certain “ras le bol” au sujet des éternels détracteurs de ce procédé, qui passent plus de temps à critiquer par principe qu’à essayer de comprendre les bases d’une sélection qui souvent les dépasse ou dessert sans doute leur petit commerce.

Critiquer sans savoir et surtout sans comprendre est bien français, mais l’aversion profonde qu’ont certaines personnes envers les principes de base de la consanguinité, n’ont souvent d’égal que leur méconnaissance du sujet et surtout leur incompétence à en traiter.  

SANS CONSANGUINITÉ, IL N’Y AURAIT PAS EU DE RACE

La mise en place même de cette méthode d’amélioration génétique, a permis aux nombreuses races animales d’avoir une identité et de se différencier entre elles. Cette sélection fut basée sur une adaptation morphologique en fonction du travail demandé à la plupart des races de chiens de chasse entre autres. Sans cela il n’existerait actuellement qu’une race commune de ”Canis Familiaris” employée au bon gré des utilisateurs, aussi bien à la garde qu’à la chasse ou à la compagnie. Tout au contraire, aussi loin qu’il est possible de rechercher, les hommes ont toujours sélectionné leurs chiens à des fins bien précises et cette sélection n’a pu se faire que par consanguinité. Ceci a permis de créer les races, où un type, une couleur, des aptitudes et même un style ont pu être isolés et mis en avant.

Il est évident qu’actuellement à l’exception de certaines races à faible effectif, l’ensemble des autres possède un cheptel suffisant et un type apparemment bien établi, pour ne plus avoir recours à cette méthode.

Alors pourquoi l’employer ?

Uniquement dans le but de fixer certains caractères spécifiques, qui par trop de dilution ou par négligence des éleveurs précédents, auraient tendance à disparaître. Bien que cela semble relever de la politique d’élevage des clubs, il n’en est rien, car de telles sélections ne peuvent être menées que de façon ponctuelles dans des élevages bien précis, ayant des buts bien fixés. Il est important qu’un club tout en infléchissant ses éleveurs vers un but donné, leur laisse toute latitude pour y arriver, conservant ainsi une variabilité génétique absolument essentielle au bon développement de son cheptel.  

LES DIFFÉRENTS TYPES DE CONSANGUINITÉ

La consanguinité consiste bien sûr à accoupler des sujets d’une même famille, comme le père avec la fille ou le frère avec la sœur. Les liens de parenté sont considérés comme “directs”, lorsque l’accouplement unit deux sujets issus l’un de l’autre, comme le père et sa fille, ou le fils et sa mère. Le lien de parenté peut être “collatéral”, quand il s’agit de l’accouplement d’un frère et d’une sœur, ou d’un demi-frère et d’une demi-sœur. La consanguinité “linéaire” correspond pour sa part aux croisements entre individus d’une même famille, ayant des antécédents communs, issus de parenté directe, collatérale ou linéaire.

La consanguinité est la méthode la plus efficace pour fixer certains caractères choisis après sélection et les uniformiser au reste de la lignée en quelques générations. Si le mariage du père et de la fille a 50% de chance de donner un caractère recherché, il totalise 25% de chance supplémentaire en seconde génération, pour arriver pratiquement à 100% en 5ème et 6ème génération. Cette méthode doit permettre à terme de fixer des sujets homozygotes.

 

LE DÉPART DE LA LIGNÉE ET SA SÉLECTION

Les deux points essentiels pour espérer mener correctement un travail d’élevage en consanguinité sont en premier lieu d’excellents sujets de base et ensuite une idée bien définie des qualités et du type recherchés pour établir une sélection juste et raisonnée.

Si la sélection est importante, elle ne peut s’entendre qu’après avoir choisi avec d’énormes précautions les sujets qui seront à la base de votre souche. Ici plus qu’ailleurs, il convient d’être très vigilant, car ces sujets devront posséder au plus haut point les qualités qu’il vous importe de fixer, mais aussi et surtout, ne pas être porteurs de tares, qui comme les qualités se fixeront et demanderont à être éliminées par la suite. Pour ce faire, il est souhaitable d’isoler des sujets déjà issus de consanguinité linéaire, avec des caractères communs, sinon assez proches.

Si sur le papier tout semble simple, les réalités de l’élevage amènent régulièrement leur flot de déconvenues. Il n’est pas rare qu’en éliminant quelques défauts mineurs, on ne se prive pas également de qualités majeures. C’est pour cette raison, qu’il importe de sélectionner sur plusieurs sujets du même courant de sang, travaillés et élevés dans des biotopes et des contextes différents, afin de conserver toujours une éventuelle porte de sortie, face aux impasses qui ne manqueront pas de se présenter.

Si le choix des géniteurs de base est si important, c’est que durant de nombreuses générations vous allez devoir travailler en circuit fermé, c’est-à-dire ne pouvoir profiter que des qualités propres à votre lignée, sans aucun apport extérieur. Bien que cette condition semble restrictive, elle est bien sûr liée à la somme de qualités possédées par les géniteurs de départ et garantit la juste conservation de ces dites qualités, avec la certitude d’impossibilité d’introduction de tares nouvelles, ce qui ne peut être le cas dans tout autre accouplement hétérozygote.

La sélection représente dans cette entreprise, la partie la plus importante du travail et celle qui à coup sûr conditionne la réussite de l’entreprise. Ici l’éleveur devra toujours songer à sélectionner plutôt qu’à écouler son cheptel. Il devra être intransigeant sur les tares à éliminer et toujours conserver une base d’élevage solide, en faisant confiance à son “feeling”, mais en restant bien sûr dans les canons de la race. 

LES FEMELLES LA BASE DE L’ÉLEVAGE

Si la consanguinité est une sélection qui favorise l’élitisme en mettant en avant des sujets d’exception très raceurs et au caractère homozygote bien fixé, il n’en demeure pas moins que toute sa construction repose sur la qualité des femelles. Les qualités du mâle tant bon soit-il, ne trouveront pas d’écho, sans un moule approprié à les recevoir. Ce sont donc les qualités de vos lices qui seront votre meilleure garantie pour les générations futures.

Si dans le cas présent, votre but est de fixer une lignée de chasse qui puisse de façon régulière se distinguer à la chasse et en épreuves de travail, il conviendra de sélectionner des sujets très sportifs et surtout très endurants. Pour ce faire, “le banc d’essais” de la chasse en montagne, au marais et au bois, sur du gibier naturel doit rester votre unique référence, avec des chiens placés dans les mains d’utilisateurs passionnés et surtout objectifs. Les résultats obtenus en fields doivent rester “la cerise sur le gâteau” et non pas la mesure de référence. Fabriquer des chiens de field, uniquement issus de gagnants de ces épreuves serait à court terme une entreprise vouée à l’échec. Les exemples ne manquent pas dans ce domaine.

Les femelles que vous choisirez pour la reproduction devront parfaitement s’inscrire dans le standard, avec une morphologie solide et une excellente résistance, aucune place ne peut être laissée aux “claquettes”, tant bonnes soit-elles. Cette précaution est essentielle, pour prévenir le rapetissement de la taille, prévisible avec ce mode de sélection. D’autre part, ces lices devront être totalement exemptes de tares héréditaires. Dans ce domaine et avec un certain nombre de races de chiens de chasse, il est juste de placer la dysplasie coxo-fémorale et les tares oculaires, avant certains autres problèmes, comme le prognathisme entre autres. Bien sûr je ne pense pas qu’il soit souhaitable de conserver des sujets ayant de mauvaises mâchoires, mais comme il est impossible de tout éliminer d’un coup, dans un premier temps, il faut avoir des priorités. De celles-ci dépend le moteur et la résistance de votre future lignée.

La sélection des lices passe aussi par le choix de femelles possédant des chaleurs régulières, acceptant bien le mâle, mettant bas de façon naturelle, ayant une prolificité au moins normale et allaitant parfaitement toute leur portée. L’éleveur qui sélectionnerait en consanguinité à partir de sujets ne satisfaisant pas à ses exigences irait tout droit à l’encontre de soucis d’élevage insurmontables.  

SORTIR DE LA CONSANGUINITÉ

Si au bout d’un certain temps, votre consanguinité devient trop étroite, il vous faudra faire de la retrempe avec une autre lignée, pour cela plusieurs cas de figure peuvent se présenter.

Le plus sage est de pouvoir mener deux lignées parallèles dans le même type de sélection et avoir à disposition cette alternative. Si tel n’est pas le cas, il vous faudra sortir de votre sang pour faire un mariage hétérogène, qui réduira forcément vos acquis de 50%, mais aura aussi 50% de chance d’amener de nouveaux caractères qui vous faisaient défaut, mais aussi avec eux un lot de tares, difficilement décelables au cours des premières générations et qu’il conviendra à nouveau d’éliminer.

Le plus juste est de trouver une autre lignée, sélectionnée suivant les mêmes principes et ayant des caractères complémentaires à la vôtre. De la sorte, vous bénéficierez d’un apport totalement homozygote, qui si l’union est bénéfique comme prévu ne réduira pas votre sélection de base. Dans ce type d’union, il convient d’aller sur la pointe des pieds, en essayant de repérer rapidement sur les produits, quels caractères seront dominants ou bien récessifs, afin de ne pas donner une inflexion trop marquée, ou indésirable à votre élevage.

 

LES AVANTAGES LES PLUS MARQUANTS DE LA CONSANGUINITÉ

Le but recherché en consanguinité est d’amener à faire en sorte que le phénotype reflète le plus fidèlement possible le génotype, pour en premier lieu isoler les sujets homozygotes.

Seule cette méthode permet d’éliminer en partie de la lignée, les tares héréditaires invalidantes, ce qui commercialement est une garantie tant pour l’éleveur que pour l’acheteur. Elle permet donc de fixer dans le génotype, les qualités en donnant un “look”et des aptitudes communes à l’ensemble de la production, qui composent le phénotype. Sans consanguinité, il est impossible de se prévaloir de tels avantages.

En génétique, tout est régit par des gènes dominants et récessifs. Ces derniers ne feront apparaître les caractères héréditaires qui leurs sont liés, que si leurs effets ne sont pas masqués par ceux des autres gènes dits dominants.

 

LES INCONVÉNIENTS LES PLUS MARQUANTS DE LA CONSANGUINITÉ

Les inconvénients de cette méthode sont la conséquence directe de ses avantages. Comme elle ne fonctionne que par reproduction directe et par élimination, elle ne peut amener de caractères nouveaux et s’enferme donc dans un certain conservatisme sans apports, bons ou mauvais, il s’entend. D’autre part en éliminant certains défauts, on se prive aussi de certaines qualités, qui disparaissent par le même fait. C’est pour cela qu’il est important de mener des lignées parallèles avec des objectifs différents, qu’il conviendra d’unir le moment venu. Cela occasionnera un brassage de sang, toujours profitable à ce moment de sélection et réintroduira des caractères écartés momentanément sans pour autant sortir de la lignée.

 

LES OBLIGATIONS À RESPECTER SCRUPULEUSEMENT

Même en étant parti avec des sujets de base remarquables, il importe de s’assurer à chaque génération des qualités des sujets produits. Il faudra être intransigeant sur l’élimination de la reproduction des sujets sensibles, non résistants et dont les aptitudes à courir dépasseront celles de chasseurs.

D’autre part après leur première portée, les femelles qui ne présenteraient pas un cycle de reproduction absolument normal, devront également être écartées de la base productive pour les mêmes raisons. 

LA CRITIQUE ET SES RAISONS  

Enfin, pour conclure et expliquer mon “coup de gueule” d’introduction, sur les sempiternelles critiques liées à la pratique de la consanguinité, j’envisagerai avec plaisir qu’un bon nombre de professionnels de la médecine et de la génétique animale, ne voient plus les effets de la consanguinité que par le bout de leur lorgnette.

En recevant dans leurs cabinets des sujets qui ne présentent que les effets indésirables de cette pratique, ils occultent malheureusement souvent ceux qui toute une vie durant arpentent montagnes, marais et bois sans aucun souci de santé. À ces spécialistes qui possèdent effectivement parfaitement leur partition, “la génétique”, mais dont l’instrument échappe un peu, “l’élevage”, je ne peux que souhaiter plus d’indulgence face cette sélection, avec une analyse plus entière de la situation.

À toute la cohorte des autres détracteurs, je souhaite aussi signifier, qu’il ne peut y avoir de commun rapport entre un pseudo-éleveur qui pour des raisons mercantiles unira frère et soeur ou père et fille dans son chenil sans autre forme de recherche, avec un travail suivi et raisonné d’éleveurs agissant uniquement dans un but de sélection sur toute une lignée.

Comment faire la différence, me direz-vous ?

Uniquement en allant apprécier le travail des dits sujets sur le terrain, tant en chasse qu’en concours, seulement ici se situe la vérité.

 

LES DÉNOMINATIONS ANGLAISES

Plusieurs types de consanguinité existent:

  • L’IN an IN qui s’adresse aux sujets ayant un lien de parenté directe, ou collatérale, comme père / fille, mère / fils et frère / sœur. 

  • L’INBREEDING, ou CLOSE BREEDING qui s’adresse aux sujets ayant un lien de parenté linéaire, comme oncle / nièce, demi-frère / demi-sœur, et cousins germains.

  • LE LINE BREEDING, ou INTER BREEDING qui représente une consanguinité en ligne, mais plus faible, entre des sujets ayant un lien de parenté plus éloigné, mais toujours dans le même courant de sang.

 

ALAIN DAMPERAT