Peu d’élevage ont une démarche conventionnelle pour débuter, le Grand Valy n’y fait pas exception. Cette dernière pourrait même être citée comme anecdotique. Après plusieurs années passées en compétition automobile, pour des raisons familiales, je me suis tourné vers le tir, skeet et parcours de chasse. La rencontre avec de nombreux tireurs devenus par la suite des amis, m’a conduit vers la chasse et en particulier celle du marais. Amateur de culture Celte et Irlandaise en particulier, je me suis mis en quête d’un setter Irlandais. Au cours d’une discussion avec un garde-chasse, celui-ci m’assura qu’il pouvait m’en obtenir un assez rapidement. Plusieurs mois passèrent, lorsqu’un jour, le grand-père d’un ami, proche du garde en question, m’interpella dans la rue pour me dire “ Crois-tu que je vais encore nourrir ton chien longtemps”. Devant mon étonnement, il m’invita à le suivre chez lui et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir attachée à quelques mètres de chaîne une setter de couleur noire et feu qui m’attendait. En guise d’Irlandais, c’était un peu raté, mais Kita fut la première setter Gordon qui rentra au chenil. Sans origines connues, cette chienne n’était ni très belle ni très bonne. Saillie par un “Gordon de pays”, au demeurant excellent bécassier, elle mourut en mettant bas un seul chiot Nikita qui fut par la suite inscrite au Registre Initial. Parallèlement à cela mes connaissances livresques ayant fait leur chemin, j’avais fait l’acquisition de deux autres sujets, Médée du Val de Brame et Meck du Champ des Dames. Médée une très belle chienne fut tout aussi excellente pour trouver les bécasses que pour les faire voler. Pour sa part Meck, malgré de grandes qualités, ne se sépara jamais de la craîntivité de chenil qu’il avait acquis chez son producteur et fut indressable. Nikita, certainement la plus brillante des trois, fut dressée par JC Piat dans le chenil de son père près de Compiègne. Elle devint une honnête chienne de chasse, mais mourut très jeune. ![]() Présentant un jour Médée en expo à La Rochelle, je fis une rencontre qui allait être décisive pour la suite de la conduite de ce qui allait être l’élevage du Grand Valy, celle de Jean Guy et Martine Ducom. Très au fait des résultats obtenus par l’élevage de Lage de Brana, il ne me fallut pas très longtemps pour être convaincu de l’utilité des lignées de travail. À cette époque, Star et Sadie gagnaient en expo et en Fields, mais deux jeunes importés montraient leur nez, Invercassley Tern et Lodi del Arbia. La passion était là et le virus bien attrapé. Au contact de Jean Guy, l’émulation allait se créer avec la connaissance de José Navarro et son très grand Mardi du Champ des Dames, un des meilleurs bécassiers qu’il m’ait été donné de connaître. Avec José et Jean Guy, durant de nombreuses années de complicité et de parties de chasses communes en montagne, dans les Landes et au marais, nous avons construit tout ce qui allait être la base de nos élevages actuels, avec comme seule optique l’efficacité sur le terrain, face à du gibier naturel. Passion et volonté ont toujours été là pour nous guider dans la recherche de notre Graal. Il était possible de faire quelque chose avec des Gordon et nous allions nous employer à le montrer, même s’il fallait faire quelques concessions au type. La rage de se faire reconnaître par la qualité de nos chiens au sein des races britanniques n’allait pas nous quitter et Dieu sait si au départ la marche était haute. Settermen et pointermen se lamentaient rien qu’à penser qu’ils pourraient avoir un jour la malchance de tomber en couple avec un Gordon. Il fallait vraiment avoir envie de se faire mal à cette époque. Depuis, les mouches ont quelque peu changé d’âne et les craintes si elles sont encore bien présentes, ne le sont plus pour les mêmes raisons ! Les choses allaient ensuite rapidement se bousculer, Jean Guy ayant fait une première portée avec Tern, décida d’offrir un chiot à chacun de ses amis passionnés. Peluc arriva chez J. Le Garrec et devint championne de grande quête sous la conduite de D Provost, Polo chez José Navarro et devint championne nationale et internationale de travail sous la conduite de JC Piat. Pirate resta chez Jean Guy et devint trialer de printemps et d’automne et Phébus resta au Grand Valy et devint un très grand chien à bécassines, avec des moyens de grande quête. Tous ces chiens furent à la base de nos élevages et produisirent un grand nombre de champions de travail. La pure lignée de travail anglaise de Tern, ses résultats, ses allures sur le terrain, m’avaient enthousiasmé. Jean Guy envisageait de la faire reproduire avec un des meilleurs mâles du moment Mercure de la Hêtraie en Feu, fils du grand champion de travail Vengeur des Halliers. Je réservais une chienne sur la portée et fis l’acquisition de Romy de Lage de Brana, qui devint par la suite championne de beauté et de travail.
Cette excellente chienne au caractère bien trempé fut dressée et présentée dans un premier temps par Ch Villain, puis ensuite par JC Piat. Elle se classa avec moi sur bécassines et tétras lyre. Parallèlement à cela Phébus fit plusieurs portées avec Médée et donna le trialer Tonus du Grand Valy de M. Forest, qui gagna le championnat d’Europe des Gordon et fut sélectionné pour les championnats du monde St Hubert. Romy mariée au CHT Smart de la Tour Guinette donna la trialer de printemps Alouette, qui obtint deux CACIT de printemps. À la même époque José décida de marier sa très grande Polo avec Mercure ce qui donna une portée “de Sotomayor” exceptionnelle, avec le trialer Vallée, la CHT Vanille, la trialer Vison, Vista aux moyens de grande quête et Valy, qui après un passage au chenil du Grand Valy finit sa vie de chienne de chasse chez M. Bouthillier. Mariée avec Phébus, elle donna la trialer Chris de M. Dupetit.
La seconde portée de Romy fut un concours de circonstances
heureux, car je pus profiter de la toute première saillie d’un jeune chien
hollandais, mais importé d’Angleterre, qui était remarquable par ses aptitudes
et origines, Black Grouse Par la suite Canaille fut mariée à divers étalons et donna d’excellents chiens de chasse sur gibier naturel, aux moyens supérieurs, mais au tempérament un peu sensible. Canaille et Campbell donnèrent Emile qui fut trialer de printemps et d’automne en Hollande, avec plusieurs sélections en équipe nationale aux championnats d’Europe et du Monde. Sa sœur Easy bien qu’aussi allumée que sa mère restera certainement une des meilleures allures du chenil en avidité, en style et en entreprise. Elle fut par la suite une bonne reproductrice. Canaille et Vallé de José allaient donner également une portée remarquable, avec le CH T P et champion de race Gin-Tonic de PM Aries, gagnant à la bécasse, mais aussi en montagne devant tous les setters et pointers de sa génération, digne descendant des grands Polo et Vallé. À la même époque, enthousiasmé par la passion et l’avidité des chiens allemands Black Devil’s, le trialer Urson dit Axe, fils de Quasimodo en consanguinité sur sa mère Ikara, entra au chenil par l’intermédiaire de F. Boitier-Mura. Ce chien remarquable, mais très dur donnera avec Valy l’excellente et belle CHT A Glen-Grouse de M. Bouthillier. Avec une fille de Phébus, il donnera le CH T P A Indien de T. Lavigne. Avec Canaille, il donnera la trialer Hi-Fi et avec Easy, la trialer Joy. Avec Clippie de R. Cosnier, il donna le trialer Jerk-Junior.Axe par son tempérament chasseur, par la qualité de ses hanches apporta beaucoup à l’élevage sans toutefois imprégner les lignées de base déjà très fixées. Voyant les origines de plus en plus se resserrer à l’élevage, il fallait importer de nouvelles lignées de travail, ce qui fut fait en collaboration avec mes amis hollandais. Après de nombreux contacts pris Outre-manche, je me décidais pour l’élevage irlandais près de Dublin de M. O’Rourke. Lusca Lovely Girl dite Nessa rentrait en France et allait défrayer un peu la chronique par ses résultats, sous la conduite de JC Piat et ensuite par sa production. Championne de printemps avec plusieurs CACIT en couple, elle fut la seule gagnante de la Coupe de France de printemps en couple. Petite par la taille, cette chienne possédait une allure remarquable et une envie d’aller qui lui permettait de lutter avec les meilleurs setters et pointers de quête de chasse La volonté étant toujours d’aller jouer dans la cour des grands, une portée très consanguine fut faite entre Easy et Gin-Tonic, qui donna une pépinière de grands chiens, comme le CH T P A Ike sous la conduite de JC Piat et de L Pressac et les trialers Incas et Islay, ainsi que I-Win, sans oublier l’excellente reproductrice Indian-Tonic. À la même époque une dès dernières saillies de Campbell donna avec Erka de la Poule au Pot, la très grande bécassière, CH A et CH IT, Imona du Bois de Pied de Borde.
Nessa ayant rapidement fini sa carrière en Field, mon souci fut de faire profiter de ses qualités à l’élevage. Sur sa première portée avec Axe, elle donna les trialers Hack et Hearty. Avec le CHT Elan de Lage de Brana, elle donna deux grands champions. Islo CHT et CHIT de grande quête, champion d’Europe des Gordon, sélectionné plusieurs fois à la Coupe d’Europe de grande quête avec l’équipe Suisse sous la conduite de J. Condado, appartenant à mon ami regretté R. Kohli. Aucun chien à ce jour n’est arrivé à ce niveau de compétition dans la race. Inda de P. Bernasconi, également CHT P A sous la conduite de H. Demètre se montre également comme un excellent géniteur. I-R-A issue de la même portée est trialer de printemps et d’automne au CACT. Sur la dernière saillie de Voyou, Nessa donna ensuite la CHT A Jouce-Belle et le trialer de printemps et d’automne Jumbo-jet, tous les deux sous la conduite de L. Pressac. Avec Gin-Tonic, Nessa donna la CHT P Landy de JP Zanconato et le trialer et champion de race Leader de P. Lecot sous la conduite de JC Piat. De la même portée, Lasticot est une excellente reproductrice à l’élevage, très proche de sa mère. Avec le grand trialer Icare de H Croutel, elle donna la trialer Messane, ainsi que l’excellente reproductrice espagnole Mimosa. Plus proche de nous, Ike allait se révéler comme un dès tous grands reproducteurs de l’élevage avec une saillie chez José Navarro de Inès de Lage de Brana qui donna la Trialer de printemps Miga de Sotomayor. puis sur une seconde portée identique le CHT P Papel de Sotomayor. Avec Imona, il donna le CHT A et CH IT Nouba de L. Duverneuil sous la conduite de L Pressac, la trialer sur bécasses Naty de Ph Maupetit et Naomy-Campbell qui s’avère être une excellente reproductrice à l’élevage. Avec sa soeur Indian-Tonic en pure consanguinité, il donna un des plus grands chiens de quête de chasse que compta la race, Nérac, CHT, A, P, CH T-IT, champion d’Europe des Gordon en 2002 et 2003, vice-gagnant de la Coupe de France d’Automne 2002, de mon ami J Beillard sous la conduite de L Pressac. Avec Nessa, il donna la trialer Off Line de M. Ginestal meilleure chienne de solo automne 2002 sous la conduite de L Pressac. Avec Lasticot, il donna l’excellent trialer de printemps et très bon reproducteur Peps de PM Aries. Sur une seconde portée avec Lasticot, il donnera le CHT A-T Tamdhu et la CHT P Tafia. Islo et Inda ont également produit des sujets de grande qualité à l’élevage et en dehors. Pour Islo, avec la CHT Gitane de l’Enclos des Jonquilles, citons le champion de grande quête, gagnant du prix d’excellence, Oslo de l’Enclos des Jonquilles. Son frère Odéon, trialer de printemps, d’automne et de grande quête et vice-gagnant de la Coupe d’Europe des Gordon. Exceptionnel également, sa fille Olivia des Plaines de Nadurelle avec le titre de championne du Monde de gibier tiré. Tous ces chiens ont évolué sous la conduite de J Condado, un des seuls dresseurs qui a su montrer à très haut niveau les qualités d’exception que peuvent avoir certains sujets de la race en grande quête. À l’élevage, avec Naomy, Islo donna le remarquable Teal et l’excellente Tern qui s’avère être une bonne reproductrice. Inda a également prouvé ses qualités de reproducteur à l’élevage, en mariage avec Indian-Tonic en donnant la CHT A, Pretty de M. Roux, sous la conduite de E Lombard. Avec Landy, il a donné le CHT A Rambo des Bandits Gascons, avec Naïka de St Vigor le trialer Ranger des Hauts du Barry, avec Miga de Sotomayor la trialer Pearl-Barry et avec Gina de l’Enclos des Jonquilles le trialer Nike.
Un an après Tini est entré au chenil Roger du même élevage, dont la première saillie avec Naomy-Campbell a donné des sujets très prometteurs et d’excellente taille. L’élevage est un perpétuel recommencement, où un et un n’a jamais fait deux. Les chiens du Grand Valy ont réussi à s’imposer dans toutes les disciplines depuis une dizaine d’années, grâce à la passion et à l’acharnement des amateurs qui les ont utilisés dans des biotopes très divers, sans aucune concession. Leur avis m’a toujours été de première utilité pour utiliser les géniteurs. Sans eux rien n’aurait été possible. La politique de l’élevage a toujours été de produire des chiens pour des chasseurs à l’esprit sportif, qui pouvaient attendre quelques années face à des chiens dont la passion et l’envie de courir prenait souvent le pas sur la sagesse. Avec une petite production, beaucoup de portées ont été élevées et testées à l’élevage pour ensuite être dispatchées chez des passionnés capables d’utiliser à la chasse, ou dans le meilleur des cas d’optimiser sur le terrain les meilleurs sujets. Dans cette optique, pour les trois quart, les plus grands champions ont été offerts en tant qu’espoirs avec à charge pour les nouveaux propriétaires d’aller au bout des capacités de leur élève. Si certaines fois le deal fut un échec soit de la part du propriétaire soit du chien, dans la plupart des cas, la confiance aidant ce fut une réussite. Ici beaucoup se reconnaîtront. Je les remercie de leur confiance et de faire partie de l’équipe. D’autre part, il convient de reconnaître l’importance que représente la mise en valeur des sujets produit à l’élevage par un grand nombre de professionnels de qualité, qui ont cru en cette race et se sont investis pleinement. J’entends d’ici les quolibets, “l’argent paye tout”, certainement ! Mais pour ceux qui ont la possibilité du recul, essayez de vous replacer 30 ans en arrière, en envisageant seulement un Gordon dans les caisses des meilleurs dresseurs de l’époque. Difficilement pensable ! Même si les facilités financières ont aidé dans un certain domaine, cela a été le cas pour toutes les races. Force est de constater que le Gordon a fait un grand bond en avant.
On trouve actuellement de bons chiens dans les caisses de tous les dresseurs de renom. D’ailleurs ces chiens n’ont t-ils pas contribué à leur renommée. La roue tourne, il est bon de le faire remarquer, même si cela peu sembler ringard pour certains.
La recherche d’un type donné a également fait partie des soucis de l’élevage, avec comme modèle les chiens Crafnant, produits ou utilisés par M. G. Burgess en Angleterre. Sans me soustraire à la mode, j’ai cherché à obtenir des sujets qui me plaisaient, en essayant de me maintenir le plus proche du standard et en restant totalement indifférent aux avis parallèles. C’est ainsi que l’on reconnaît un Grand Valy actuellement. Malgré tout, certains sujets ont obtenu des CACIB, le dernier en date est celui de Opium de Olivier Albertino, fille de Ike et de Hadji.
En conclusion, car il est important de ponctuer, un très grand mérite revient à une passionnée de l’élevage, sans laquelle le Grand Valy ne serait pas, Jeanne Dampérat. Tous les sujets de l’élevage lui sont passés dans les mains, chiens de chasse, trialers ou champions de travail. À 79 ans, elle sort encore régulièrement les jeunes sur le terrain et son avis est toujours judicieux.
ALAIN DAMPÉRAT
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